Extrait
En retard, Francis demeura au fond de l’église afin de ne pas être remarqué.
Une dizaine de rangs devant lui, se tenaient Isaure et Suzanne dont il voyait se dessiner la nuque fragile sur laquelle s’arrêtait un carré strict de cheveux noir corbeau. C’était la seule jeune fille de l’assemblée, principalement composée de vieilles dames.
Le prêtre, le père Jacques Souquières, égrenait son discours tel un automate, cherchant çà et là l’approbation d’une audience blasée, qui répétait les mêmes gestes et phrases au fil des dimanches qui se succédaient. Seule Isaure de Maximin vivait le moment avec ferveur. Suzanne arborait sur son visage le même air absent que lorsque Francis l’avait rencontrée pour la première fois. Cependant, au moment de l’eucharistie, le groupe s’anima, se déplaçant lentement vers l’allée centrale pour aller communier.
À cet instant, Suzanne aperçut Francis derrière un pilier. Son cœur se mit alors à battre la chamade. En effet, elle n’avait pas souvenir que Francis fréquentât une quelconque église et surtout qu’il fût assez pieux pour se rendre aux vêpres, un office bien moins populaire que celui du matin : se pouvait-il qu’il soit venu pour elle ? Elle repoussa cette pensée. Il était plus vieux qu’elle et avait l’air tellement sûr de lui. Pourquoi s’attarderait-il auprès d’une fille comme elle qui ne connaissait pas la vie alors qu’il pouvait conquérir toutes les femmes qu’il souhaitait ? Non, cela semblait impossible. Peut-être qu’il avait une commission importante à faire passer à son père. Dans ce cas, pourquoi ne lui téléphonait-il pas ? De plus, le lendemain, ce serait lundi et Francis aurait tout le temps pour s’entretenir avec Géraud sur les dossiers importants, il n’y avait donc aucun besoin de se précipiter.
Francis fixait Suzanne, l’air concentré. Devait-il la saluer ou attendre la fin de l’office ? Plutôt attendre, on est tout de même dans une église, pensa-t-il. Est-ce que Suzanne avait compris qu’elle lui plaisait ? Pourrait-il s’avérer raisonnable de lui offrir un verre après la messe, avec sa tante, qui plus est ? Que dirait-il à Géraud le lendemain ? Évidemment, il ne pourrait pas lui raconter qu’il avait rencontré sa fille par hasard à la messe des vêpres de Notre-Dame-aux-Neiges alors qu’il passait la plupart de ses dimanches après-midi au village, avec ses amis proches.